Sex'ploration #10 : Oser parler de l'avortement

avortement

Salut à toi ❤️️

Aujourd'hui, j'ai eu envie de parler de l'avortement et de comment ça se gère dans l'invisible.

Malgré le fait que l'interruption volontaire de grossesse pour des raisons non médicales est légale en France depuis 1975 (loi Veil), il y a encore trop de tabou, de honte et de culpabilité autour de ce choix.

On estime que près de 40% des femmes ont recours à l'avortement au cours de leur vie et chaque année il y a entre 215 000 et 230 000 interruptions volontaires de grossesses.

J'ai avorté il y a un peu plus d'un an et demi et voici mon histoire.

J'écris cet article pour celles qui ont vécu cette épreuve et n'osent pas en parler. Pour celles qui ne sont jamais passées par là et se demandent comment ça se passe. Pour ceux qui s’intéressent à ce qui vivent les femmes.

Et pour celles qui doivent faire un choix actuellement.

Peu importe ton choix, si c’est le tien, ce sera le bon choix.
 

Tomber enceinte à l'autre bout du monde

argentine

Si tu me connais et/ou si tu à déjà lu plusieurs articles de ce blog, tu sais que j'ai passé 1 an en Amérique du Sud, dont deux mois en Argentine. J'y suis allée en novembre 2018 pour rejoindre mon ex Facundo. Les choses ne se sont pas du tout passées comme nous l'avions imaginées, pour plein de raisons, la principale étant qu'à ce moment là j'étais aussi déjà amoureuse de Brice.

On n'arrivait pas à s'entendre ni à communiquer. Et c'est là que j'ai découvert les réconciliations sur l'oreiller. Concrètement je suis tombée enceinte en faisant l'amour sans protection alors que je savais très bien que j'étais en pleine période de fertilité. Facundo aussi le savait d'ailleurs. Je crois c'était pour lui une façon de me faire rester. Et pour moi une façon d'avoir une bonne raison de partir, l'avortement n'étant pas légal en Argentine. Ces raisons étaient du domaine de l’inconscient, évidemment.

J'ai pris la pilule du lendemain mais j'ai appris par la suite que c'était inutile étant donné que j'avais déjà ovulé. Je trouve d'ailleurs que cette information n'est pas assez largement diffusée. On te dit qu'il faut prendre la pilule du lendemain au max 72h après le rapport. Mais presque personne parle du fait que si l'ovulation s'est déjà produite ça ne sert à rien.

Maintenant vou.e.s savez !

J'ai très vite senti que quelque chose d'inhabituel se passait dans mon corps. Mes seins ont doublé de volume et sont devenus douloureux. J'avais des sautes d'humeur et faim en permanence. Et un soir avant de m'endormir, je me suis connectée à mon utérus et j'ai senti une étincelle. Je savais donc que j'étais enceinte et bien avant de faire le test.

clue

L'application Clue grâce à laquelle je surveille mes cycles m'a prévenue que j'avais du retard. J'ai demandé à Facu d'aller m'acheter un test. Je l'ai fait un matin toute seule dans les toilettes. Il y avait deux barres : il était positif.

A ce moment là on vivait dans un magnifique camping un peu sauvage vers Cordoba. Je l'ai annoncé à Facu alors qu'on était posés dans un hamac. Il m'a demandé ce que je voulais faire. A ce moment là, j'avais déjà décidé de rentrer en France prématurément et nous passions nos derniers jours ensemble. Je lui ai dit que je ne voulais pas le garder. Je ne me sentais pas prête à être mère, encore moins dans ces conditions. Je ne connais pas mon père biologique et je ne voulais pas faire subir ça à mon enfant, ni à Facu d'ailleurs. Je voulais qu'on puisse continuer nos vies et passer à autre chose après notre séparation.

Je lui ai aussi dit que je ne voulais pas le vivre comme une catastrophe. Après tout, c'était pas comme si je venais d'apprendre que j'avais un cancer.

J'ai eu de la chance d'être soutenue à distance par Brice qui m'a dit que c'était le signe que mon corps fonctionnait bien quand je lui ai appris la nouvelle.

De plus, je crois que nous choisissons nos parents avant de nous incarner. Je crois que les âmes des bébés dont les mères choisissent d'avorter ne veulent faire qu'un aller retour rapide dans la matière, comme un avant goût de ce qu'est la vie sur terre. Cette croyance a été très réconfortante et j'ai décidé de donner à cet embryon le plus d'amour possible.

Cette journée était très bizarre. On était trois. On était à la fois émerveillés et tristes.

J'ai vu Facu pour la dernière fois quelques jours plus tard, dans un gare routière, alors qu'il montait dans un bus qui le ramenait chez lui. On a beaucoup pleuré.

 

Le retour en catastrophe

retour

J'avais encore quelques semaines avant la date de mon retour en France. A la base, je voulais profiter de la fin de mon séjour et du fait que pour la première fois je ne voyageais pas en couple.

Sauf que mon corps changeait de plus en plus avec le tsunami hormonal que ça implique. J'étais dans une auberge de jeunesse et j'avais envie de rester seule dans mon coin alors que tout le monde m'invitait constamment à sortir et à me bourrer la gueule. J'ai eu le chance de partager ma chambre avec Paula, une argentine trop mignonne qui m'a prise sous son aile et à qui j'ai pu me confier.

A Cordoba vivait aussi mon ami Gonza qui a été très présent pour moi. On s'était rencontré à Cuzco alors que je pleurais sur un trottoir suite au vol de mon téléphone. Il m'avait alors proposé de le suivre dans une communauté rainbow dans la jungle amazonienne...et de réaliser un de mes rêves. Il fait donc officiellement parti de mes anges gardiens. Ce qui est ouf c'est qu'on ne s'était pas quittés en bon termes. D'ailleurs je ne lui avais même pas dit au revoir. Jamais je n'aurai pu prédire qu'on se retrouverait dans ces circonstances et qu'il serait d'un tel soutien.

L'Univers, ce grand farceur...

Mais j'avais clairement besoin de retrouver ma zone de confort et j'ai fini par demander à ma famille de m'aider financièrement pour changer la date de mon billet d'avion et revenir plus tôt. Je voulais pouvoir faire un avortement médicamenteux tranquille chez moi. J'avais peur de devoir subir un curetage si j'attendais plus longtemps et je voulais m'éviter ce traumatisme.

Je suis rentrée à la fin de mois de janvier, avec absolument aucun plan puisque à la base j'étais sensée rester un an en Argentine pour faire un PVT. Il faisait froid, il faisait gris. J'étais en miettes. Brice est venu me chercher à l'aéroport et m'a ramenée chez lui alors que j'étais enceinte d'un autre. Rares sont les hommes qui sont aussi patients, attentionnés et compréhensifs. En me laissant partir et en venant me récupérer malgré les circonstances, il a gagné mon respect éternel.

 
 

La peur d'avoir mal

corps

Ma mère a assuré : elle avait déjà pris rendez vous pour moi à l’hôpital. J'étais à 6 semaines d’aménorrhée. J'ai vu un psy puis un infirmière qui m'a fait prendre un cachet pour ouvrir le col de mon utérus. A partir de ce moment là, on ne peut plus faire marche arrière et même si j'étais sure de ma décision, j'ai chialé comme une madeleine. Je suis repartie avec deux autres pilules pour provoquer l'avortement 2 jours plus tard.

J'ai décidé de faire ça chez ma mère. On était toutes les deux. J'ai avalé les médocs et on a regardé le spectacle Mother Fucker de Florence Foresty.

On est très portés sur l'humour noir dans la famille...ça nous aide à dédramatiser !

Je m'attendais à saigner beaucoup et à me tordre de douleur. J'avais massé une amie suite à un avortement quelques mois plus tôt et elle m'avait raconté qu'elle avait passé des heures à se vider de son sang dans les toilettes, à la limite de tomber dans les pommes. Ma mère m'avait aussi dit que j'allais peut être perdre une sorte d’œuf et on avait prévu de faire une petite cérémonie. Je voulais l'enterrer et lui dire au revoir comme il faut. Je ne voulais pas que l'embryon se retrouve dans notre fosse sceptique.

Mais au bout de quelques heures, à part une ou deux crampes, il ne se passait pas grand chose. Je suis alors allée marcher dans la forêt. Et j'ai parlé à l'âme de ce bébé. Je lui ai donné un nom. Il s'appelle Ezechiel. C'est aussi le nom d'un ami argentin.

ange

Donner un prénom me permet de ne pas parler de ça en disant “l’embryon” ou “l'avortement”. Chacune fait comme elle veut mais ça m'a permis de mieux vivre les choses. C'était comme lui dire qu'il a existé pour moi et que je ne l'oublierai pas.

En psychogénéalogie, on voit aussi que les bébés avortés ou ceux qui partent lors d'une fausse couche comptent. Si un jour je mène une grossesse à terme, l'enfant ne sera pas mon ainé.e et je ne dois pas lui demander de ce comporter comme tel.le.

Je lui ai dit quelque chose du genre “Ezequiel, c'est le moment où on se sépare. Merci d'être venu. Je suis désolée de ne pas encore être prête à être ta maman. Je t'aime mais je ne suis pas prête à t'offrir la vie que tu mérites. Je ne t'oublierai jamais. Au revoir. On se retrouve de l'autre coté !”

Cet avortement a été très doux. Tellement que j'ai cru que ça n'avait pas marché. Mais une semaine plus tard, à l'échographie de contrôle, on m'a annoncé que je n'étais officiellement plus enceinte. J'ai saigné comme si j'avais mes règles pendant 1 mois. Puis mon cycle et me seins sont revenus à la normal.

 

Un rituel pour libérer les âmes

9 mois plus tard, alors que je flânais avec Brice sur une plage dans le sud de la France, j'ai commencé à parler avec une femme posée sur le sable avec son bébé. On a un peu discuté de tout et de rien mais avant de partir elle m'a soufflé “Il y a quelqu'un avec toi, je ne sais pas qui, mais il y a une présence.”

Étrange...

J'ai appelé mon amie Caro qui est passeuse d'âme pour lui demander de me faire un petit scan à distance.

Elle m'a que j'avais dans mon utérus l'âme d'Ezechiel et l'âme de la jumelle perdue de ma mère. Et que ça serait cool de faire un petit rituel pour qu'iels retournent à la source et que je puisse être libre, tout simplement.

feu

Concrètement, j'ai fait un feu au bord d'une rivière en chantant Hijo de la luna, une chanson que ma mère me chantait dans mon enfance, la main de Brice dans la mienne. Le vent s'est levé et le feu s'est éteint à la fin de la chanson. Pendant que je chantais, j'ai eu les larmes aux yeux et j'ai senti un poids s'échapper de ma poitrine.

Après ça, je me suis sentie plus légère et j'ai pu véritablement tourner la page.

Si on croit à tout ça, c'est important de faire ce genre de rituel en cas d'avortement ou de fausse couche pour que les âmes des bébés perdus ne hantent pas nos utérus et ne s’accrochent pas à celles des enfants à venir.

 

Mes conseils si tu envisages un avortement

femmes

Entoure toi des bonnes personnes, celles qui te soutiendront et ne te jugerons pas.

Prends rendez-vous le plus rapidement possible pour éviter de passer sur le billard.

Ne fais pas ça toute seule. Aies quelqu'un avec toi le jour J car ça ne se passe pas toujours aussi bien.

Va à l'échographie de contrôle parce que des fois l'IVG ne marche pas du premier coup et si tu as dépassé les trois mois du cadre légal, tu ne pourras plus avorter, sauf si la grossesse met en danger ta santé ou si la fécondation a eu lieu suite à un viol.

Encore une fois, si c'est ta décision, c'est la bonne décision. Ça ne fait pas de toi une personne mauvaise et irresponsable, au contraire ! C'est une preuve de maturité et de courage. On vit dans un pays où on a la chance d'avoir le choix et où l'avortement est pris en charge pas la sécu. Tu n'êtes pas obligée de porter la honte et la culpabilité en plus de ton deuil.

Prends soin de toi et sois compatissante envers toi-même.



Avec tout mon amour et mon soutien,

Lune


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