Quand tu es serveuse

bar

Salut à toi  ❤️️

Ca faisait un bail !

La raison de mon absence ? J'ai trouvé du travail comme serveuse et je suis tombée enceinte de façon quasi simultanée. Entre ce nouveau rythme et la fatigue du premier trimestre, j'ai passé mon temps libre à dormir. Parfois, il faut juste écouter son corps. Mais ça y est, je suis dans mon deuxième trimestre et je commence à avoir un peu plus d'énergie alors me revoilà !

Aujourd'hui, je te parle de ce métier et de l'envers du décors avec humour.

Si tu as déjà été serveuse ou serveur, ça te rappellera quelques souvenirs.

Si tu n'as jamais été de ce coté du plateau, tu pourras peut être un peu mieux comprendre ce qui se trame la prochaine fois que tu iras au restau...

Et si un jour tu trouves à ma place, tu sauras à quoi t'attendre et comment t'adapter au plus vite.

Patience, ce confinement ne sera pas éternel ! A la Réunion, on a la chance de ne pas être reconfinés et de ne pas avoir de couvre feu. Pour l'instant...

 

Arriver dans un nouveau restaurant

menu

Je dis souvent qu'un service c'est comme une pièce de théâtre. Chaque restau a son propre scripte et chaque membre du personnel a un rôle à jouer. D'ailleurs, j'ai remarqué que la plupart des serveurs et serveuse ont un personnage et un timbre de voix bien spécifique lorsqu'iels s'adressent aux clients. La salle de restaurant c’est la scène et les cuisines s’apparentent aux coulisses.

Quand tu arrives dans un nouveau restau, tu dois tout ré-apprendre : la carte, la manière de faire, où se trouve les choses...

Une fois, j'ai bossé dans un buffet à volonté au pied du Machu Picchu alors que je ne parlais pas très bien espagnol… Je te raconte pas comment j'ai galéré !!

Il ne faut pas hésiter à poser des questions sans avoir peur de déranger parce que tes nouveaux collègues préfèrent que tu montres que tu es investi.e plutôt que de te voir en mode plante verte. C'est très agaçant quelqu'un.e qui passe son temps à couper du pain parce qu'iel ne sait pas quoi faire d'autre alors que le restau est plein à craquer.

Cette fois, j'ai mis à peu près deux semaines à prendre mes marques, deux semaines pendant lesquelles mes collègues m'appelaient “la boulette”. En plus, la plupart parlent créole ce qui est cool parce que du coup j'apprends leur langue mais pas toujours très pratique en plein rush quand je ne comprends que la moitié de leurs phrases. Le tout c'est de ne pas paniquer et de garder le sourire.

Show must go on !

Il ne faut pas non plus hésiter à dire aux clients que l'on vient d'arriver, ça les rend plus patients et compréhensifs.

 

L'enfer du pad

cuisine

Certains établissements sont encore à l'ancienne avec les commandes prises sur papiers.

Mais on est de plus en plus nombreux à utliser des pads, ces petits boitiers qui ressemblent à des téléphones. C'est pratique car la commande est envoyée simultanément aux différents postes : le bar, le grill, les entrées, la caisse...

Cependant, même si l'objet se veut instinctif, la prise en main n'est pas évidente et toujours angoissante. Personnellement, j'ai passé 3 jours à avoir les mains qui tremblent à chaque nouvelle commande. Il faut dire que l'écran tactile n'est pas très sensible et que le stylet qui l'accompagne a souvent été perdu il y a belle lurette... Mieux vaut avoir des ongles...où utiliser un pique à brochette ! Chacun.e sa technique !

Et puis si on ne prend pas la commande assez vite (comprendre si le client hésite pendant trois plombes entre les haricots ou la ratatouille), le pad se met en veille et il faut tout recommencer... Ce qui est assez pénible en plein rush !

Mais le pire c'est quand il y a plus de batterie et que tu dois courir après tes collègues pour qu'ils te prêtent le leur !

 

Travailler masqué.e

masque

En ce moment à la Réunion, c'est l'été, et vers le littoral il fait facilement 35 degrés à l'ombre !

Là où je bosse, on a un uniforme : chaussures noires fermées, pantalon noir, t-shirt épais et tablier long. En cette période de crise sanitaire, on ne peut plus se servir de la clim ni de la ventilation et on doit porter un masque.

On est toujours debout, la plupart du temps en train de marcher d'un pas rapide d'un bout à l'autre du restaurant.

Comment te dire....on crève de chaud ! On dégouline, littéralement ! C'est simple, je crois que je n'ai jamais autant transpiré de ma vie !

Sans parler du fait qu’on ne voit pas nos sourires….

 

Typologie des client.e.s lourdingues

manger
  • Ceux qui ont déjà bosser en restauration et qui veulent t'apprendre ton métier alors que t'as juste pas le temps pour une petite leçon.

  • Ceux qui claquent des doigts pour recommander des frites à chaque fois que tu passes à coté de leur table.

  • Ceux qui ne sont pas dans ton rang et qui exigent que tu t'occupes d’eux alors que tu es débordé.e

  • Ceux qui arrive au dernier moment alors que tu pensais pouvoir commencer à ranger et finir plus tôt

  • Ceux qui te hurlent dessus devant tout le monde parce que tu as oublié de leur apporter de la moutarde

  • Ceux qui ne te regardent pas, ne sourient pas et ne disent jamais merci

  • Ceux qui te matent comme si tu étais un morceau de viande

  • Ceux qui trouvent toujours un truc à redire pour avoir une réduction et qui continuent à revenir alors qu'ils ne semblent jamais satisfaits

 
 

Typologie des client.e.s adorables

cliente
  • Ceux qui te disent qu’ils ne sont pas pressés

  • Ceux qui sont détendus et souriants

  • Ceux qui empilent leurs assiettes en bout de table

  • Les enfants hyper sociables et polis

  • Ceux qui laissent des pourboires 😉

 

Le sexisme ordinaire

Quand tu es serveuse, tu te fais draguer de façon plus ou moins subtile à peu près tous les jours.

Ca peut être rigolo, par exemple si c’est un papi qui demande s'il peut voir ton sourire et si tu as un amoureux.

Mais ça peut aussi être vraiment oppressant comme avec des clients réguliers qui te sifflent, te regardent d'un air de merlan frit, te laissent leur numéro et continuent à insister semaine après semaine même si tu fais tout pour les ignorer.

Il y a deux semaines, j'ai fini par péter les plombs. Il y avait une table de deux gros relou qui me donnait des sueurs froides tellement ils dégoulinaient de lubricité. Toutes mes collègues les évitaient. L'un d'eux m'avait justement laissé son numéro une semaine plus tôt et s'était débrouillé pour connaître mon prénom. Quand je passais dans leur rang en évitant soigneusement de croiser leurs regards pour aller essuyer des couverts par exemple, ils m'appelaient juste pour attirer mon attention et me lancer des sourires “ravageurs”.

J'ai demandé à un de mes collègues s'il voulait bien s'en occupé mais il a refusé parce qu'il était en train de préparer un gratin pour tout le personnel. C'était une bonne excuse parce que son gratin était délicieux et surtout parce que ça m'a poussée à me débrouiller toute seule. Je me suis rendue compte que si je ne réagissais pas, j'allais continuer à subir cette situation qui allait peut-être même empirer. J'ai compris qu'il fallait que je sorte du rôle de la victime qui baisse les yeux. J'ai pris mon courage à deux mains, je me suis plantée devant leur table en enlevant mon masque et je leur ai dit un truc du genre :

“Si je vous regarde pas c'est que vous me donner envie de gerber. Je préfèrerai baiser avec un poisson mort plutôt que de sortir avec vous.”

Puis je suis partie me réfugier en cuisine où mes collègues féminines m'ont limite applaudie.

La semaine d'après, ils sont revenus tout penauds. Je leur ai dit qu'entre la drague et le harcèlement, la limite était assez fine et qu'ils l'avaient franchies. Ils s'étaient rendus compte qu'ils m'avaient mise mal à l'aise et ils m'ont présentés leurs excuses. Ils m'ont avoués que s'ils étaient aussi insistants c'est parce qu'ils croyaient que je faisait semblant d'être distante pour attirer leur attention.

C'est la base de la culture du viol, cette croyance erronée selon laquelle les femmes disent non alors qu'en fait elles sont d'accord.

Donc que les choses soient claires : si une personne ne répond pas à vos avances, laissez la tranquille. Elle n'est pas intéressée et donc pas consentante à ce que les choses aillent plus loin.

Elle est peut être même en couple et enceinte, qui sait ?

 

L’envers du décors

menage

Quand tu es serveuse, ou serveur, tu ne fais pas que du service. Tu fais aussi de la mise en place, du bar, de l'encaissement, de la cuisine, de la plonge. Tu passes le balais et la serpillère. Tu essuies les couverts, tu vides les poubelles et tu nettoies les toilettes. Tu te casses le dos en rentrant la terrasse et tu es souvent payé au lance-pierres.

Tu sais quand tu commences à bosser mais jamais à quelle heure tu vas sortir. Ca dépend du nombre de clients et de leur bon vouloir. Certains semblent prendre un malin plaisir à arriver au dernier moment.

C'est le jeu !

Tu as des horaires en coupure, tu finis tard ce qui n'est pas toujours facile à concilier avec la vie de famille et tu es rarement dispo pour chiller entre potes le week-end.

Pour tenir le coup, il faut aimer marcher, prendre soin des clients, travailler en équipe et avoir une bonne mémoire.

 

L'importance d'avoir une bonne équipe

team

Il y a deux ans, j'ai bossé pendant 4 mois dans un bistro clermontois. J'aimais le lieu et l'immense terrasse ensoleillée mais avec certains collègues c'était la guerre froide et j'ai fini par être de plus en plus absente. J'avais mal au ventre en y allant.

Ce taf est assez éprouvant et fatiguant, et devient carrément anxiogène si l'ambiance est mauvaise.

Cette fois, j'ai la chance d'être tombée dans une équipe géniale. Franchement, en postulant, je ne pensais pas que je kifferai autant travailler dans cette chaîne de restaurant. C'est grâce à mes collègues que je vais bosser avec le sourire et que je rentre chez moi contente de ma journée. Petit à petit, j'apprends le créole et j'en sais de plus en plus sur les différentes cultures de l'île. Je me sens à ma place et pleine de gratitude d'avoir été si vite intégrée. Iels sont en train de devenir ma famille réunionnaise et me font me sentir chez moi sur l’île intense.

Rentrer la terrasse, c'est beaucoup moins pénible si on le fait en rigolant et en twerkant !



mojitos

Dernière petite anecdote :

Dans mon article sur le racisme ordinaire, j'avais parlé d'une fois où l'un de mes collègues m'avait comparé à une guenon et de la non réaction de mon patron de l'époque.

Il y a quelques semaines, un client m'a prise par surprise. Tout se passait bien, il fêtait son anniversaire de mariage avec sa femme et était de très bonne humeur. Je leur ai apporté un bœuf bourguignon et leur disant qu'il était servi par une bourguignonne. (Je suis née à Auxerre.) Ce à quoi il a tranquillement répondu “Ca doit être le sud de la Bourgogne alors !” avant d'ajouter, en imitant un accent africain : “Oh non, pas de ça chez nous !”.

Non, tu ne rêves pas...

Ca m'a fait l'effet d'une douche froide mais je n'ai pas su réagir sur le coup. Derrière le bar, j'ai dit à mon responsable de salle préféré, qui pour le coup est noir, que j'étais dans le mal parce que la table numéro trois venait de me dire un truc raciste. Il est parti faire ce qu'il avait à faire et je me suis dit que j'étais à nouveau seule face au racisme ordinaire.

Mais il est revenu me voir quelques minutes plus tard et m'a demandé si je voulais qu'ils demandent aux clients en question de partir parce qu'ici on ne tolère pas ce genre de comportement. Je lui ai dit que non, que sa réaction me suffisait.

Ce que j'ai trouvé génial c'est qu'il ne m'a pas demandé de lui raconter mot pour mot ce qui s'était passé, il n'a pas mis ma parole en doute. Et il a fait en sorte que quelqu'un d'autre prenne le relais. Je me suis sentie comprise et soutenue.

A lire aussi :

Ce que ça fait d’être noir.e

 
pourboires

C'est la fin de cet article ! Dis moi ce que tu en as pensé !

As-tu déjà travaillé en restauration ? En gardes-tu des bons souvenirs  ?

Aimerais-tu vivre cette expérience ?

Prends le comme un signe !

Lune

 



Lune GrugierCommentaire