Sex'ploration #8 : “Un peu de brutalité ne nuit pas”

Salut à toi 😉

Le 28 avril dernier, sur le site Psychologies.com, un article au titre “prometteur” a été publié : Sexe, un peu de brutalité ne nuit pas.

Je t'avoue que je ne m'attendais pas à quelque chose de très safe mais j'ai été surprise de ce que l'on peut trouver dans un magazine consacré au bien être et au développement personnel en 2020 !

Entre hétéronormativité, clichés et généralités douteuses…j'ai l'impression que la route vers une sexualité véritablement consciente et libre sera longue !

 

Des premières lignes équivoques

“Sexe : Un peu de “brutalité” ne nuit pas

Pas de malentendu : nous ne faisons pas ici l’apologie de la brutalité en amour. Mais avant d’être une forme de communication, la sexualité est une pulsion. Sauvage, animale. Qui gagne parfois à être sollicitée. “



Pour commencer, quand on affirme quelque chose et qu'on place un “mais” juste après, ce que l'on vient de dire ne compte pas.

Comme quand quelqu'un dit “Je ne suis pas raciste mais...”, tu peux être sur que la fin de la phrase (et donc le fond du propos) sera raciste. Ou comme quand on dit à un enfant “C'est bien mais tu aurais pu mieux faire”, ce n'est pas une vraie félicitation et l'enfant ne retient pas le “C'est bien”.

Pour ne pas annuler “Pas de malentendu : nous ne faisons pas ici l'apologie de la brutalité en amour” on aurait pu remplacer “mais” par “et” ou juste le supprimer.


brutalite-violences-conjugales

Quant à ce mot, brutalité, judicieusement écrit entre guillemets, je trouve qu'il est particulièrement mal choisi étant donné sa définition, trouvée sur larousse.fr :

  • Caractère de quelqu'un de violent, qui agit comme une brute

  • Caractère de ce qui est brusque, soudain et violent : Être surpris par la brutalité de la crise.

  • Acte brutal, mauvais traitements (surtout pluriel) : Les brutalités de la police.


Clairement, la brutalité nuit.

La brutalité tue parfois, souvent.

 

Hétérocentrisme et binarité

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Malheureusement, cet article prônant pourtant une forme de liberté sexuelle, n'inclue dans ses exemples que des personnes cis-genres et hétérosexuelles :

Louis et Véronique, Annelise et son homme, Simon et Elodie, Sylvie et ses amants de passage...

Pourquoi ne pas demander leur avis aux LGBTQIA+ afin de diversifier le panel de “Monsieur et Madame tout-le-monde”?



Pour y voir plus clair :

Libération - Mais ça veut dire quoi, LGBTQIA+ ?

 

Se servir de l'autre pour assouvir ses pulsions

On nous parle ensuite de saine agressivité, qui n'est apparemment plus synonyme de violence.


“Et de rappeler que Fritz Perls, le fondateur de la gestalt-thérapie, donne à l’agressivité une place centrale dans la croissance de la personne.« Pour comprendre à quel point cette notion est essentielle, il utilise la métaphore de la nourriture : pour s’alimenter, l’homme doit agresser l’aliment, il le mord, il le mâche afin de prendre les substances nécessaires à la croissance. Dans le domaine de la sexualité, l’agressivité pousse à aller prendre chez l’autre ce qui est nécessaire à la satisfaction de ses besoins dans le respect du cadre de la relation. » “


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Comparer une personne à un produit que l'on consomme pour se nourrir/remplir, c'est quand même assez malaisant non ?

On peut savourer un aliment au lieu de l'agresser.

C'est une histoire d'intention.

Pareil pour la sexualité. Tout le monde n'a pas envie d'être dévoré.

Quand je suis en confiance et que je m'ouvre à mon partenaire, ce n'est pas pour qu'il me prenne quelque chose.

Je préfère donner plutôt qu'il se serve.

J'ai pas spécialement (pas du tout en fait) envie de servir d'exutoire à pulsions.

Je ne vois pas comment ça peut entrer dans le cadre du respect.


“Seule une femme qui sait dire le plaisir que lui procure le sexe de son partenaire peut l’aider à vivre sa virilité, sans inhibition ni violence. “


Honnêtement, cette phrase me donne un peu envie de vomir...

Je n'adhère pas à ce principe d'interdépendance. C'est encore à la femme d'être patiente, de prendre sur elle pour ne pas mettre en danger la masculinité, l'estime de soi de son partenaire.

La mère et la salope à la fois.

Et après on nous dit que ce sont les hommes qui ne savent plus comment se positionner...

J'aurai plutôt envie de dire qu'un homme qui vit sa virilité sans violence donnera à quelq’un.e l’envie de lui dire que son son sexe lui procure du plaisir.

Ça me parait plus logique dans ce sens là.


A lire aussi :

Sex'ploration#5 : Echanges énergétiques pendant le coït

 

Une révolution sexuelle achevée, des femmes libres et des hommes désemparés

“Si l’on a aujourd’hui tendance à refouler la dimension agressive de la sexualité, c’est avant tout parce qu’elle a été pendant des siècles synonyme d’oppression pour les femmes. Il a fallu en passer par la révolution sexuelle, féministe, pour qu’elles puissent enfin faire entendre leur voix et leur droit au plaisir. Si cette liberté est heureusement aujourd’hui acquise, l’onde de choc provoquée par le bouleversement des rôles continue à déstabiliser les hommes.”



Bon déjà ce délire de révolution sexuelle dans les années 70, comme Manon Garcia l’explique dans son livre On ne nait pas soumise, on le devient, ressemble plutôt à un moyen pour que les femmes soient encore plus disponibles aux pulsions des hommes.

Dans ce paragraphe, on dirait que la dimension sexuelle de l'agressivité n'est plus synonyme d'oppression et que les féministes ne servent plus à rien car les femmes sont enfin libre de faire entendre leur voix et leur droit au plaisir.

Quiconque n'est pas un homme cis-genre pourra dire que c'est loin d'être le cas au quotidien, et que même si sur le papier on a les mêmes droits, on a encore beaucoup de travail pour faire véritablement changer les mentalités.

La liberté sexuelle est LOOOOOIN d'être acquise.

Quand à la masculinité fragile, elle était là bien avant le “bouleversement de rôles” et n'est pas due à la “liberté” des femmes mais à la normalisation d’attitudes dominantes et d'idées archaïques telles que “un peu de brutalité ne nuit pas”, entre autres.

 

La suite de l’article juste après ça :

newsletter-graines-lunaires
 

Un marchandage risqué

“Trop de gens ont peur de leurs fantasmes et les refoulent, car ils portent sur eux un jugement moral, explique Brigitte Martel. Je reçois des hommes et des femmes paniqués d’avoir des fantasmes de viol. Mon travail consiste à les aider à faire la différence entre fantasme et passage à l’acte. Dans une relation cadrée, basée sur le respect et la complicité, on se sert de ses fantasmes pour libérer sa bonne agressivité.”



sexualite-consciente

La psychologue nous conseille ensuite de jouer à un jeu pour raviver la flamme et casser la routine des couples. Les partenaires ont à tour de rôle droit à une soirée au cours de laquelle ils demandent à l'autre de satisfaire leurs désirs.

Chacun son tour comme ça tout le monde est content !

Pas sûr du tout que les deux personnes aient le même seuil d'agressivité supportable.

Mais du coup, vu que l'autre a dit oui, difficile de changer d'avis en cours de route, ça romprait le pacte et ça serait pas très fair play !

Ça casserait l'ambiance…

 

En parlant de croyances limitantes

L'auteure définit ensuite ce qui inhibe l'agressivité sexuelle :

  • Les croyances limitantes

  • Les conflits souterrains

  • Un corps sous contrôle

Je trouve que cet article véhicule une croyance limitante justement.

Je trouve ça dommage d'associer les mots sauvage et brutal, instinctif et agressif, animalité et rapport de force.

sexualite-douce

Comme si lâcher prise voulait dire assouvir nos fantasmes violents.

Comme si perdre le contrôle impliquait de devenir un marteau piqueur.

Comme si la tendresse, la délicatesse et la lenteur étaient forcément synonyme de fadeur et de frustration à la longue.

Comme si notre épanouissement sexuel ne pouvait passer que par l'assouvissement de nos pulsions primaires en se servant du corps de l'autre, sur le base du consentement bien sur !

Comme si nos les terminaisons nerveuse du gland (6000) et du clitoris (8000) n'étaient pas assez nombreuses et nécessitaient un acharnement frénétique pour qu'on puisse ressentir quelque chose.

Comme si les muqueuses de la vulve étaient faites pour être agressées, brutalisées souvent, régulièrement.

N'est-ce pas plutôt la brutalité, la “saine agressivité”, la sexualité classique qui laisse nos sexes meurtris, douloureux puis insensibles et las ?

A quoi ressemble la sexualité sauvage sans l'influence du porno ?

Quoi d'autre est possible ?

 

C'est la fin de cet article. Merci de l'avoir lu en entier !

N'hésite pas à laisser une trace de ton passage dans les commentaires :

Es-tu toi aussi mal à l'aise en lisant des articles comme celui paru sur Psychologies.com  ?

Penses-tu que sauvage rime avec brutal ?

C'est ok si tu n'es pas d'accord avec moi, j'aime entendre des avis différents du mien et le tien m'intéresse !

A bientôt !

Lune